4 septembre 2007
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18:59
"Où est le matin que nous vîmes hier
L'oiseau de l'aube chante toute la nuit
En manteau rouge le matin traverse
La rosée qui, sur son passage, paraît du sang
Je lis ce texte que j'ai écrit il y a trois, cinq, vingt ans, comme le texte d'un auteur mort, d'une époque où la mort pouvait encore coller dans le vers. Les meurtriers ont cessé de scander leurs victimes. Je me rappelle ma première tentative d'écrire une pièce. Le texte s'est perdu dans les troubles de l'après-guerre. Ça commençait par le héro (jeune) devant le miroir qui cherchait à deviner quel chemin les vers emprunteraient dans sa chair. A la fin, il était dans la cave et découpait son père. Au siècle d'Oreste et d'Electre, qui monte, Œdipe sera une comédie.
(Ecrit dans les années 50.)"
Heiner Müller
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3 septembre 2007
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20:39
CV refait (et envoyé)
renseignements pris, révisions, lecture de discours et de notes
motivation extérieure pour la rédaction de mon mémoire
un dernier rendez-vous pris, nécessaire
rédiger comme si je faisais un rapport à
il vaut mieux que je me remette sur le rythme commun
semaine et week-end
arrêter avec le jour de congé impartageable du mardi
travailler chez moi et sortir prendre l'air
la rentrée du kung fu demain avec ma carence en magnésium
et fin de mon mandat de bibliothécaire de l'association
je n'ai pas tout à fait synchronisé ma libido avec le travail
et fonctionne encore sur mes vieilles méthodes
pour la partie rédaction et la motivation à
mais j'ai une petite technique d'attente
ridicule incantation mais qu'importe elle est efficace
fin septembre ma dead line
c'est bon ma période de retrait est terminée
[le titre est traduit en ligne, je ne parle pas l'espagnol...]
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2 septembre 2007
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Ire réelle
"The rest I pass, one sentence I unsay.
Had de Valéra eaten Parnell's heart
No loose-lipped demagogue had won the day,
No civil rancour torn the land apart."
"Je tais le reste, et rétracte une phrase.
De Valéra se fût-il nourri du cœur de Parnell,
Nul démagogue verbeux n'eût triomphé,
Nulle haine intestine n'eût déchiré ce pays."
W.B. Yeats, Quarante-cinq poèmes.
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1 septembre 2007
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Cotta l'atemporelle manigance un retour depuis l'oubli
volonté égale et ininterrompue
sans égards
aux mille valences
NIETZSCHE — "Et je vis une grande tristesse s'emparer des hommes. Les meilleurs se lassèrent de leurs œuvres. Une doctrine se répandait qu'une croyance accompagnait : "Tout est vide, tout est pareil, tout a été !" Et de toutes les collines, l'écho répétait : "Tout est vide, tout est pareil, tout a été !"
COTTA — Je te dis aujourd'hui ceci que je t'ai dit hier, mais que j'ai oublié que je t'avais dit. Hier est vaste je le sais, hier ne finit jamais.
NIETZSCHE — Pfffff...
se reprenant — "Ô mon âme, je t'ai appris à dire "aujourd'hui" comme on dit "jadis" ou "naguère" et je t'ai appris à danser ta ronde par-dessus tout ici, tout là-bas et tout plus loin encore.
Ô mon âme, je t'ai délivrée de tous tes recoins, j'ai balayé la poussière, les araignées et la pénombre qui te recouvraient.
Ô mon âme, je t'ai lavée de ta petite pudeur et de ta petite vertu en coin et je t'ai convaincue de te tenir nue devant les yeux du soleil."
COTTA — Ah oui, j'aime te regarder danser nue devant le soleil !
NIETZSCHE pour elle-même — Ah, la malheureuse...
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31 août 2007
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21:05
J'ai reçu par la poste un cadeau, ce livre de Jaime Semprun, Défense et illustration de la novlangue française, éditions de l'encyclopédie des nuisances, Paris, 2005.
"Je crois avoir dit tout ce qu'il est raisonnablement possible de dire en faveur de la novlangue, et même un peu plus. Après cela, je ne vois pas ce que l'on pourrait ajouter de plus convaincant pour en faire l'éloge. Cependant, l'ayant défendue en tant qu'elle est la plus adéquate au monde que nous nous sommes fait, je ne saurais interdire au lecteur de conclure que c'est à celui-ci qu'il lui faut s'en prendre si elle ne lui donne pas entière satisfaction."
En exergue, un extrait de la Grammaire générale et raisonnée, dite de Port-Royal :
"Ceux qui ont de l'estime pour les ouvrages de raisonnement trouveront peut-être en celui-ci quelque chose qui les pourra satisfaire, et n'en mépriseront pas le sujet, puisque, si la parole est l'un des grands avantages de l'homme, ce ne doit pas être une chose méprisable de posséder cet avantage avec toute la perfection qui convient à l'homme ; qui est de n'en avoir pas seulement l'usage, mais d'en pénétrer aussi les raisons, et de faire par science ce que les autres font seulement par coutume."
(homme bien-sûr à traduire maintenant par humain ou homo sapiens pour éviter toute ambiguïté sociétale)
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29 août 2007
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Anna Blume range ses affaires
après avoir encore
fait sortir ses oiseaux de la peau
du fils de la terre,
dessaisie et oubliée sous
une angélique épineuse
et s'enroulant par l'humidité
Vers ses treize ans, Anna a correspondu quelque temps avec Aphroditi,
plus tard, elle rêvait qu'elle appelait son chat Hermès
la roulade du fils dessaisi
dévoile sa terre épineuse
Anna Blume parfois expose ses affaires
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28 août 2007
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23:55
réconciliation par le territoire
boulevard Voltaire, rentrée
rue Falguière, retour
jardin du Luxembourg, répondeur
square Villemin, demande de conseil
canal Saint-Martin, resto
mon amie expat me raconte ses dix dernières années
nous refaisons connaissance
le soir, polycoaching au point éphémère
et des échanges avec de jeunes Normands
qui, avant de nous demander nos prénoms, nous font un QCM social
je file vers une heure
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27 août 2007
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22:58
de retour à Paris, je ne vois pas mes cohabitants du même œil
ici le quotidien est concurrentiel
la densité occasionne la dureté relationnelle
j'ai eu du mal à revenir à une foule en représentation d'abondance
mais je me suis glissée dans mon travail encore chaud sans peine
aphorismes oniriques cette nuit,
dépaysement formel,
mon kung fu a reflué
"je voudrais une crêpe miel allemande",
mes demandes sont souvent claires
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26 août 2007
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23:28
espace crawl
une demi-heure avant de prendre le train
trente minutes après les huîtres et les sardines grillées
plénière du matin séchée pour un café en terrasse,
je la réécouterai plus tard
du sable
les heures passées à discuter, les personnes rencontrées
encore du sel dans les cheveux
léger hâle
du sable, du sable dans mon lit ce soir
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22 août 2007
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23:19
"Tcholpan-Ata
au bord de l'Issik-Koul
(Kirghizie, URSS)
10 août 32
Aujourd'hui je télégraphie à Moscou en russe, qu'on veuille bien te télégraphier en français que je vais bien ; car la poste devient de plus en plus improbable, sinon impossible.
Nous avons mis 6 jours de train depuis Moscou, qui doublent pour le courrier de retour, et depuis Frounzé, point terminus du train, on devrait en principe atteindre Tcholpan-Ata en une journée d'auto (270 km). Mais il a fallu attendre 2 jours que la route redevienne praticable après les dernières pluies – en croyant toujours partir d'une heure à l'autre. – Enfin partis, la route n'est qu'une piste qui provoque des avaries à notre camion. Nous changeons de voiture : couchons une fois dans une maison commune au bord de la route, deux fois à la belle étoile et arrivons enfin ici le quatrième jour après 8 crevaisons ; les 4 derniers km dans une charrette."
Ella Maillart, Cette réalité que j'ai pourchassée, correspondances.
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