Il s'agit en fait de "points-virgules".

Un mail qui me rappelle aux bennes de collecte et aux garages. On me demande si on peut utiliser mon powerpoint de présentation de sujet pour un groupe de travail, oh ! Mais bien sûr et avec plaisir. Vite vite au travail.

Mon bureau est installé. Mes dossiers étaient dans un carton à part. Je peux tout reprendre vite en main. J'ai un téléphone, donc tout va bien.

Je dois juste regarder ce qui se dit dans le groupe de travail transports avant de répondre au mail, demain. J'ai encore les entreprises privées à contacter, les communes riveraines, trois garages à visiter et les divisions locales à questionner.

Voir aussi si je peux aller à la prochaine réunion.

Sur un autre sujet, Fraunein s'est exclamée : mais qu'est-ce que tu es pragmatique !

Au BHV :
un peignoir kimono blanc, small ;
une tablette noire en frêne de 80 x 40 cm ;
quatre pieds de table noirs, à section carrée ;
un tournevis infernal parce que mon cruciforme est dead ;
des rondelles en feutre ;
un niveau à bulles vert fluo ;
des vis pour le bois.

En attendant de trouver le secrétaire simple pour écrire dans ma chambre, je me fais une table d'attente. A bomber en rouge, à laisser en noir ? Rien à voir avec le niveau à bulles en effet. En même temps, je me constitue un certain nécessaire. Après – sans urgence –, je ferai encadrer mon affiche de Rauschenberg pour la placer dans ma chambre ; et deux affiches de Fischli et Weiss, celle de Londres, celle de Paris.

Aah, je n'ai pas mon dictionnaire et je ne sais pas si on écrit au pluriel des points virgules ou des point virgules.

Vite vite, je cours au kung fu.

Je rêve toutes les nuits, de glaives et de jumeau sauvé par mes armes, de mers sombres, de magies données, de nouveaux parcours dans des espaces complexes.
"Le 31 décembre
Chère mère,
La question que tu me poses est très importante et très sérieuse, j'y ai beaucoup réfléchi et je veux tenter aujourd'hui d'y répondre.
Qu'est-ce que l'amour ?
Je peux seulement te dire ce que j'entends, moi, par l'amour."
Leopold von Sacher-Masoch, L'amour de Platon.
J'ai failli me noyer, une fois, dans la mère sombre.

Pourtant, j'avais presque la même vue depuis ce qui était devenu ma chambre. Une fine trouée verticale vers le nord de Paris, encadrée par un bâtiment très moche et un autre juste moche. M'étant rapprochée du bâtiment juste moche par un pas de côté, j'ai été doucement attrapée par sa sobriété formelle et la sensibilité de son humanité. Je suis en face du retour que l'immeuble gris forme pour suivre la rue Botzaris. Jeux de rideaux, mouvements d'ombres qui rendent visibles la distance et les feuillages. Des rideaux blancs, colorés, un volet dégradé par le claquement, le frémissement d'un voilage qui bout.

La cour est calme, un bout de toit, très bas, le jardin de mon immeuble, j'habite à la cime des arbres, un fragment de parking qui va avec un jardin sillonné de bas murets petits-bourgeois.
J'ai à peu près placé mes livres, une étagère de sciences humaines, une autre de littérature. Je n'ai pas encore installé la cuisine alors je mange des sandwiches ; ils me laissent le temps d'arriver là et me permettent de sortir chercher de la quincaillerie et d'autres choses. Je dois manger des sandwiches alors.

Mardi soir : rendez-vous avec un ingénieur de la mission collecte et réunion du groupe local.
Mercredi : commission sur le plan régional d'élimination des déchets.
Jeudi : formation pour être présidente de bureau de vote.
Vendredi : kung fuuu :)

Mardi, mercredi, en quête d'assise confortable pour écouter la radio, rêvasser, lire, prendre le thé ou du vin, du pains d'épices. Une adresse où on pourrait me coudre un tissu de rideau épais sur un cadre de chaise longue. Ce n'est pas encore exactement la saison des chaises longues.

Je n'ai que deux chaises en bois, un peu branlantes et repeintes en blanc par ma grand-mère hyperactive.
J'ai trouvé beaucoup de chaises dans la rue à une période. Parfois, je les renversais au dessus de mes livres pour gagner de la place et faire une autre construction visuelle. Deux de mes amies ont aussi eu leur période à chaises – dure-t-elle encore ? Il m'en reste deux photos : l'une prise à Berlin, une chaise shakespearienne au milieu du désastre : Katia ; l'autre à qui il manque la moitié de ses pieds : Momu. Je ne raconte pas la vie des autres. Cependant un rêve, prétentieux en même temps que fondateur et éclairant sur le premier cas. On m'appelle sur un champ de bataille antique, pour sauver mon binôme. Je trucide les ennemis. Puis intervient une conclusion morale sur les femmes combattantes et les femmes soumises.

Des roulettes à bricoler, un plateau laqué rouge et rond, les livres à ranger selon ma géographie poétique, des affiches à encadrer. Je dois dire que je me sens déjà très bien dans cet appartement.